Dans quel camp du cinéma êtes vous ? “Défier le récit des puissants” de Ken Loach

Moi ce que j’aime profondément dans le cinéma, c’est ce que j’appelle “la découverte du secret”.

Parmi les personnages, qui est moral ? Qui a raison ? Que va t-il se passer ? Qui va gagner ? sont des questions qu’on se pose souvent. Et la question sous-jacente est : “Que vont-ils apprendre sur eux mêmes ou sur la société ?” : cette question est le secret que nous découvrons en même temps que les personnages. C’est la réponse au conflit le plus profond du film.

Ce secret est soigneusement gardé jusqu’à la fin du film. Quel que soit le sujet d’un film classique, que ce soit une comédie, un drame, un thriller, “la découverte du secret” est le noyau dur du plaisir que je prends au cinéma. Cela vient sans doute de mon amour des débats : “la découverte du secret” dans un film est un jonglage d’action au coeur de l’intrigue qui permet de se rapprocher de ce que les personnages recherchent dans l’histoire qu’on nous raconte.

Ce noyau dur mis à part, je demeure très curieux (voir l’article sur Agnès Varda). Toutefois, mon amour des débats justement m’amène à chercher du sens partout en tout temps. C’est pourquoi j’ai tendance à politiser les films et à aimer les films politiques.

C’est le sujet de cet article, la politique au cinéma en vous posant la question : dans quel camp êtes-vous ? Pour vous, qu’est-ce qu’un grand film ?

Je crois avoir déjà une réponse à cela depuis longtemps. Pour moi, un grand film est un film qui contribue à changer les choses mais je reparlerai de ce point précis dans un autre article car ce postulat pose une autre grande question : “Quel est le meilleur dispositif cinématographique pour “changer les choses” ?”

Revenons à la question initiale “Pour vous, qu’est-ce qu’un grand film” pour introduire un petit livre à lire de Ken Loach “Défier le récit des puissants”.

Ken Loach

C’est un livre qui explique le chemin que Ken Loach a connu, les combats qu’il a mené depuis toujours, et de ses difficultés à faire connaître ses films dans une Angleterre conservatrice, notamment pendant les années Thatcher, au cours desquelles il subit une censure officieuse et certainement décourageante.

C’est surtout un livre qui explique pourquoi Ken Loach fait du cinéma et comment il le fait pour parvenir à ses fins. La première moitié du livre est intéressante pour cela. Ken Loach explique comment il travaille ses films :

  • Ses casting sont laborieux et très longs car il recherche une certaine fragilité ainsi qu’un acteur qui provient du même milieu social que le protagoniste.
  • Il demande souvent à ses acteurs si ils sont en cohérence avec les actions du personnages. C’est pourquoi il demande souvent ce que ces acteurs feraient eux, à la place du personnage.
  • Il ne fait pas lire aux acteurs l’intégralité du scénario mais les fait improviser sur des événements que leurs personnages ont connu pour les imprégner de leur histoire, afin de garder spontanéité et intégrité de l’acteur, une qualité d’écoute originelle.
  • Il ne filme pas les acteurs en gros plans ni en très grand angle. Pour lui, cela les réduit à des simples objets. On perd quelque chose de fondamental, la vue normale d’un spectateur sur un personnage. (Dans petit paysan, l’utilisation de gros plan est justement un mauvais point, ça donne un côté noir à un film quin est déjà un mélange indigeste de film de genre (documento-noiro-fantastico-social))
  • Il recherche des équipiers avec qui il s’entend personnellement.

Ken Loach à propos du scénariste Paul Laverty et de la construction d’une équipe.

Quand on trouve cette compatibilité, on peut tout faire. Parce que plus nous nous sentons en sécurité dans une relation, plus nous pouvons être audacieux.

Plus loin, il ajoute :

[…], si on est en confiance et certain de partager un objectif commun, alors on peut tout tenter. Parce que nous savons que notre partenaire protège aussi nos valeurs fondamentales.

Voilà d’ailleurs un conseil très bon sur une bonne communication d’un réalisateur.

Enfin, Ken Loach combattant le capitalisme et la classe sociale dominante, il explique aussi pourquoi il ne choisit pas de célébrités pour interpréter ses protagonistes.

En discours sous-jacent de ce type de film, on trouve l’acceptation de la hiérarchie, de l’extrême richesse, du pouvoir des grandes entreprises et de tout ce qui va avec.

Bref, ce petit livre de Ken Loach est intéressant et très accessible. Peut être vous éclairera t-il sur votre propre vision du cinéma et dans quelque camp vous vous situez.

Alors, dans quel camp êtes-vous ?

Est-ce que pour vous un grand film est un film comme ceux de Ken Loach, qui combat les puissants et remet en question la vérité que les autres croient ? Ou est-ce un film qui au contraire traite un sujet peut être moins actuel, plus universel ? Quel est votre avis sur la question ?